mercredi 24 février 2016

Journées d’enfance


 Pierre était l’aîné, de deux ans sa cadette venait Jeanne. Mais ni la différence des années, ni celle de leur sexe ne les ont jamais empêchés de passer de bienheureuses journées ensemble.
Dès qu’elle sut marcher, Jeanne n’eut de cesse de suivre son grand frère partout où il allait : si l’on voyait un des enfants, l’autre n’était pas bien loin. Ils étaient inséparables…
La ferme leur offrait beaucoup d’endroits pour jouer : la cour, le jardin, le verger et plus loin les prés et les champs.
C’étaient de longues parties de cache-chache, de chat perché, de marelle ou de jeu de quilles.


La nature était aussi un magnifique terrain de jeu et de découvertes. Beaucoup de leurs jouets étaient fabriqués à partir de ce qu’on pouvait trouver autour de la maison, dans les prés , en forêt : de la paire de boucle d’oreilles en cerises, aux glands dont on fait avec leur cupule des pipes, les marrons dans lesquels on sculpte des bonhommes, des animaux.
Certains jouets avaient été fabriqués par Jean, leur père : la balançoise accrochée à la branche d’un arbre, la bascule – simple planche sur un rondin et même –luxe suprême – une magnifique carriole de bois qui les emmenaient dans d’inoubliables aventures…



Ils attrapaient des hannetons et les mettaient dans une boîte en fer : cela faisait un vrombissement. Ils récoltaient des œufs de grenouilles et les mettaient dans un seau pour suivre leur évolution et devenir des tétards, puis des grenouilles qu’ils relâchaient dans la rivière.
De grandes et longues courses d’escargots étaient organisées.


Avec le chat de la maison, ils aimaient aussi débusquer les souris et essayer de les attraper pour les tuer. Ils n’y voyaient pas de cruauté : c’était nécessaire, les souris grignotaient les grains dans la grange…

Quand il pleuvait trop, c’était dans la pièce commune qu’ils retrouvaient pour dessiner, jouer aux cubes, se raconter des histoires sans queue ni tête qui les faisaient mourir de rire…
Il faut bien que jeunesse se passe, bientôt, ils seront en âge d’aider leurs parents : à la maison pour Jeanne, à la garde des vaches, au jardin et aux champs pour Pierre.
 
 

mardi 23 février 2016

Une nouvelle vie


Ce matin Marie n’arrive pas à se lever. Cela fait maintenant une bonne quinzaine de jours que son ventre tendu comme une corde lui lance des tiraillements douloureux et puis ce matin, cette barre en bas des reins…

Elle a entendu Jean se lever, maintenant il fait une sommaire toilette à l’eau du seau qu’il a été tiré au puits.

Non, décidément, ce matin cela ne va pas : Marie a passé la nuit à demie assise sur sa couche et ne s’est pas beaucoup reposé. Il est vrai que la lune était pleine hier soir et les vieilles du village lui ont assuré que serait pour elle le signe de la délivrance.

Doucement, elle soulève la tenture protectrice du lit et elle demande à Jean d’aller chercher la voisine pour l’aider : elle en est sûre maintenant, le petit va arriver aujourd’hui.
Le cœur lui battant aux oreilles, Jean file en courant jusqu’à la chaumière de la Joliette : comme si elle avait su, la voilà justement qui le rejoint à la hâte. Elle porte son panier avec tout son nécessaire : les linges propres, le ciseau aiguisé, le fil…


Rentrant dans la pièce commune, Jean et la Joliette voient que Marie a déjà reçu une bonne aide de sa sœur Louise qui passait la voir : Marie est allongée sur le « lit de douleur » installé non loin de la cheminée pour la maintenir au chaud, elle est vêtue d’une camisole recouverte d’une chemise qui lui descend aux genoux, de gros coussins la maintiennent semi assise, de l’eau frissonne dans un grand baquet au-dessus du feu. Jean est prié d’aller voir dans l’étable comment vont les vaches !

Marie n’a pas peur, elle se sent en confiance, elle est bien entourée et encouragée par la voix tranquille et douce de la Joliette. Sa soeur Louise lui parle de sa propre expérience de la maternité, on papote…
 
 

Pour un premier enfant, le travail n’a pas été trop long, il faut dire que Marie a de belles anches bien larges qui ont facilité la sortie du nourrisson. Aussitôt sorti, aussitôt attrapé, baigné, nettoyé, frotté, langé et habillé, réchauffé et enfin, présenté au regard de sa mère : Marie sourit de bonheur devant cette petite vie qui débute…
Le linge souillé retiré, la pièce rangée, la Joliette et Louise invite le jeune père à les rejoindre : Jean est ébloui de ce tendre tableau formé par son épouse et son enfant, son premier, son fils !

 

dimanche 7 février 2016

Un peu de géographie (1)



La généalogie nous amène à voyager avec nos ancêtres.
Certaines personnes vont jusqu’à effectuer un voyage pour retrouver les lieux de leurs racines. Les cousinades sont aussi un excellent moyen de réunir tous les descendants d’un couple dans le village d’origine.

Pour ma part, je vais me contenter d’une visite virtuelle à laquelle je vous convie.

La majorité des racines de mes garçons (puisque c’est leur généalogie que je développe) se situe dans le Sud-Ouest


et la première visite sera dans le département de la Gironde (là, je me tais et je vous laisse regarder tranquillement) :


 
 
 
 

samedi 6 février 2016

Une journée ordinaire

L'aube n'est plus très loin. Marie se lève silencieusement et va aussitôt rajouter du petit bois et un peu de journal pour raviver le feu qui s'était lui aussi assoupi.
Elle met de l'eau à chauffer, prépare le café et vite, après sa toilette de chat, s'habille devant la cheminée. Le café chaud lui donne l'énergie pour commencer la matinée. Marie enfile ses sabots et met sa capeline pour sortir au jardin ramasser quelques légumes qu'elle ajoutera dans la marmite qui frémit au-dessus du feu; elle y trempe une lanière de lard et s'affaire maintenant à poser les bols et les cuillères sur la table pour le déjeuner.
Le coq lance son cri clair dans la brume qui s'effiloche. Doucement, la maison s'éveille. D'abord Jean qui avale bien vite son café avant de sortir pour aller traire les deux vaches et qui bientôt revient avec une cruche encore fumante de lait frais et chaud.
Marie entend les petits rires de Pierre et Jeanne qui s'amusent à se chatouiller dans la chaleur douce du lit. Les deux petits enfants pointent leur bout de nez, les yeux encore plein de sommeil.


Devant eux, Marie verse la soupe dans le bol, y coupe quelques tranches de pain et ajoute un grand verre de lait encore tiède. Une pomme sera mise dans leur cartable pour la récréation à l'école. Entre deux chamailleries, les petits sont lavés, habillés et prêts à partir. Marie reste quelques minutes à les regarder s'éloigner sur le chemin vers l'école, en souriant...
Jean, la soupe avalée, est prêt aussi à aller au champ : le bœuf attelé à la carriole l'attend calmement au devant de la porte. Un bout de pain et du fromage dans sa besace, un furtif baiser à Marie et dans un nuage de poussière, le voilà parti.
Mais, pas le temps de lambiner pour Marie : déjà la vieille mère de Jean l'appelle.
Marie l'aide à se lever, elle l'installe devant le feu pour lui faire sa toilette et l'habiller; puis elle lui sert son bol de soupe et continue à débarrasser la table, faire la vaisselle, passer un coup de balai. Puis elle sort pour aller cueillir quelques pissenlits pour nourrir les lapins; elle ouvre le poulailler et c'est un déluge de plumes qui l'assaillent quand elle jette le maïs et les épluchures de légumes.
Aujourd'hui, c'est jour de lessive : Marie amoncelle les draps et vêtements à laver sur la brouette et s'achemine vers le lavoir. C'est son moment de société à Marie : là, elle écoute les conversations mêlées de potins des autres villageoises. Le lavoir, c'est le journal du village : tout y est dit, déballé et chacune y va de son commentaire. C'est un moment de détente pour Marie, malgré les mains gelées à force de tremper dans l'eau.


Mais déjà le soleil est plus haut et elle rentre pour étendre les draps sur l'herbe pour qu'ils soient bien blancs et frais.
Puis, elle prépare le repas. Aujourd'hui ce sera un bon ragout de porc avec des pommes de terre : c'est un plat qui tient chaud au corps et qui peut se réchauffer. Elle garde le chou pour demain.
Voilà Jean qui revient, il rentre et se verse un grand verre d'eau : il a eu chaud ce matin, l'air était trop doux.
C'est en bavardant qu'arrivent à leur tour Jeanne et Pierre et tous savourent ensemble le moment du repas.
Mais il passe trop vite ce moment, et déjà chacun repart; Jean à sa besogne, les enfants à l'école. La vieille s'est assoupie dans son fauteuil devant l'âtre.
La maison rangée, le linge rentré et bien lissé, Marie s'installe pour repriser quelques linges, pantalons et blouse qui peuvent encore faire de l'usage après un bon raccommodage. Elle a mis une chaise sur le pas de sa porte pour profiter de la douceur des rayons du soleil.
Plus tard, elle prépare une grande bouteille d'eau bien fraîche et quelques fruits et, le tout dans son panier, elle s'achemine vers le champ que laboure Jean.
Il est heureux de la voir arriver et c'est avec un plaisir non caché qu'il se régale des fruits et d'eau.
Au loin, on entend résonner la cloche de l'église. Et sur le chemin, comme deux petits moineaux, ils regardent venir vers eux leurs deux pitchouns.
C'est ainsi que toute la famille revient au logis pour le repas du soir.


Marie ira au puits tirer deux ou trois seaux d'eau, Jean coupera du petit bois pour le feu, les enfants reliront leurs leçons; on soupera et ensuite, réunis devant le feu, on racontera sa journée, la vieille parlera de son temps, les enfants écouteront et doucement, la nuit venant, tout ce petit monde ira se coucher. Marie pensera qu'il lui faudra aller au bourg vendre ses légumes pour avoir quelques pièces qui serviront à l'achat de nouvelles galoches pour Pierre, une blouse pour Jeanne et peut-être un peu de tabac pour Jean...

C'est une journée ordinaire dans la vie de gens ordinaires, le quotidien simple d'une femme simple et de sa petite famille...

Il est difficile, je trouve, en généalogie, de faire revivre nos ancêtres, surtout les femmes sur lesquelles les documents sont plutôt muets. J'ai souhaité (par ce billet) honorer toutes les femmes silencieuses que je croise au détour des actes.
Qu'elle s'appelle Marie, Jeanne, Catherine, ou Pétronille, elles étaient là pour engendrer toute cette descendance que j'étudie et reconstruis aujourd'hui.